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Interview. Rencontre avec Laurent BOSCHER, Directeur du Centre d'Insémination Artificielle de la Colinière (CIA)

27.09.2023

Le centre d'insémination artificielle (CIA) SCEA de la Colinière a été créé en 2014 pour l'élevage du Piétrain NN (non sensible au stress). Nous avons rencontré le directeur du centre de la Colinière, Laurent BOSCHER. Il est éleveur de porcs Piétrain depuis 1998 et construit son travail autour de trois objectifs : l'amélioration de la qualité génétique, des conditions sanitaires et de la satisfaction des clients. La recherche et l'innovation lui ont apporté ces dernières années d'excellents résultats (BLUP) et des caractéristiques génétiques élevées. C'est pourquoi nous avons décidé de rencontrer Laurent pour échanger sur les nouvelles tendances et les sujets d’actualité de la production porcine.

Bonjour Laurent, pouvez-vous nous présenter votre site de production ?

Notre élevage de verrats comprend 88 verrats 100% Piétrain NN (stress négatif). Nous vendons environ 165 000 doses par an : 50 % de PCAI et 50 % de doses traditionnelles de 75 ml et 2,2 des milliards de spermatozoïdes au total. Nous disposons également d'une ferme de sélection de 220 truies Piétrain pour l’autorenouvellement et la vente de verrats pour centre d’insemination et export. 

Combien de personnes travaillent pour vous au quotidien ?

Six personnes travaillent pour moi : 4 affectés à la sélection et deux au centre d’insémination. Le lundi et le vendredi, deux personnes de la sélection viennent renforcer l’équipe au CIA. 

Qu'en est-il de la quarantaine ? Quelles sont les caractéristiques de la production de jeunes verrats ?

Nous avons deux quarantaines. 

La pré-quarantaine :

La puberté du Piétrain est plus tardive, la quarantaine et l'adaptation commencent à 7 mois. Le progrès génétique (En 1998 : 165 jours d’âge pour 100kg de poids vif, en 2023 120 jours) nous oblige à maitriser l’alimentation car la puberté de l’animal reste inchangée à 7 mois.

Pendant le pré-quarantaine, nous procédons à plusieurs activités :

1.           Off-test : poids, épaisseur de lard avec l’Exago, phénotype de l’animal

2.           Observations visuelles du volume et de la concentration des éjaculats

Pendant la quarantaine, d’autres évaluations sont effectuées :

2. Nous vérifions le parenchyme du testicule à l'aide du programme Ecotext. 

3. À l'aide de l'échographie (Exago), nous recherchons des kystes et diverses pathologies potentielles dans les testicules et épididyme.

4. A l’aide du Doppler Easy Scan Go (option CFM), je vérifie également la zone des vaisseaux sanguins entre les testicules. D'après mes observations, plus le réseau vasculaire est développé, plus le volume du semence sera bon. 

5. Analyse de la concentration de la semence avec l’IVOS. Si nous sommes en dessous de 50 milliards nous considérons que ça ne sera pas un bon reproducteur. Nous analysons également les anomalies et la mobilité. Nous considérons le verrat comme un bon reproducteur s’il y a plus de 65% de spermatozoïdes normaux dans l’éjaculat et 80% de mobiles. 2 éjaculats sont analysés entre 10 à 15 jours d’intervalle.

À la suite des tests, nous réformerons environ 20 % des verrats. Sur 10 verrats, un est réformé pour la qualité de la semence et un pour diverses pathologies telles que les kystes.

Qu'est-ce qui vous a permis de réussir ?

Je voulais une solution tout en un, un interlocuteur unique et une proximité. C'est pour cette raison que j'ai choisi de travailler avec IMV Technologies il y a 10 ans déjà. 

Par exemple, le Collectis permet la collecte automatique de la semence sur 90% des verrats. Ensuite, le reste de l’automatisation du laboratoire permet de produire 2500 doses en 4 heures avec une personne au laboratoire et 3 en collecte avec une traçabilité complète grâce à l’eSmile. 

Vous travaillez à réduire la contamination bactérienne de la semence. Pourquoi ?

Mon partenaire Cooperl Nucleus a une stratégie globale d'élevage de porcs sans antibiotiques. Étant en accord avec cette démarche, il y a quatre ans, j'ai participé à l'essai d'utilisation d'un milieu sans antibiotiques et de sachets bactériostatiques, le BactiBag. L'essai a été réalisé dans trois fermes et le taux de mise bas a été le même avec les deux types de milieux, avec et sans antibiotiques. Pendant l'expérience, nous avons contrôlé en permanence la semence de chaque verrat, en partenariat avec IMV Technologies, pour connaître le nombre de bactéries et le type de bactéries présentes. Un excellent niveau sanitaire était essentiel pour cet essai.

Quels choix stratégiques avez-vous pris à l’issue de cet essai ?

Lors de l'utilisation des milieux sans antibiotiques, les doses de semence ne pouvaient être utilisées que pendant trois jours, et j'ai structuré mon plan logistique de manière à envoyer des doses une fois par semaine. Certains clients utilisent des doses de semence pendant deux semaines sans que les résultats techniques n'en soient affectés. J’ai cependant gardé le BactiBag pour avoir une garantie supplémentaire pour mes clients.

Quels processus de production avez-vous pour limiter la contamination bactérienne ?

La conception du bâtiment permet de laver et désinfecter par salle de 8 verrats au moins une fois par an. Cette construction coute beaucoup plus chère à l’installation mais évite une dégradation de la qualité de semence des verrats lors des lavages et désinfections. Le nettoyage et la désinfection de l'enclos de collecte et de la zone d'attente sont effectués quotidiennement. Je change la matière active du désinfectant deux à trois fois par an afin d’éviter la résistance bactérienne. Le nettoyage mécanique des fèces des enclos se fait le jour de la collecte de semence. La ventilation est organisée de manière à ce que l'air passe par le sol, de sorte que les sols soient toujours secs et qu'il n'y ait pas de saleté sur le ventre et le prépuce des verrats afin de limiter la contamination bactérienne. En outre, le système de filtration de l'air est très efficace dans le centre et le laboratoire afin de limiter tout risque de contamination externe par l’air. Un facteur important est que les jeunes verrats proviennent de notre ferme d'élevage et qu'il n'y a pas d'importation d'une production tierce. De plus, afin de limiter les risques de contamination bactérienne lors de la collecte, j’utilise des mannequins 100% inox. 

À quelle fréquence procédez-vous au contrôle bactériologique ?

Je contrôle moi-même la bactériologie sur un mannequin une fois par mois sur le site de production. Il est intéressant de noter que la semence collectée à la main présente toujours une contamination bactérienne plus élevée que la semence collectée avec Collectis. 

Qu'en est-il de la production de doses de semence directement en laboratoire ? Avez-vous changé quelque chose à ce niveau ?

J'utilise autant que possible des consommables jetables. Nous utilisons pendant un mois au maximum les tubes de remplissage de la GTB 1000V3 car des microfissures se créent à l'intérieur du tube lors de l'utilisation, du lavage et de la désinfection, ce qui augmente la contamination bactérienne.

Il est également essentiel d'organiser l'espace entre la réception et l'envoi de l'éjaculat. Tous nos processus se déroulent de manière séquentielle et avec un fonctionnement de marche en avant : réception, analyse, dilution, conditionnement, refroidissement et expédition. Par ailleurs, le laboratoire est équipé d'une paillasse en acier inoxydable et surélevée par rapport au sol pour faciliter le travail de désinfection.

Pour votre production, vous utilisez NutriXcell ultra et BactiBbag V2. Quels sont les avantages pour vous en tant que producteur de doses de semence ?

Le mix NutriXcell ultra et BactiBag V2 est pour moi la meilleure sécurité pour mes clients. Même s'il y a des antibiotiques dans le milieu, le BactiBag joue toujours le rôle de "coussin de sécurité" si une bactérie montre soudainement une résistance. C'est aussi mon avantage concurrentiel : je n'offre aux clients qu'un produit de haute qualité.

En outre, BactiBag prolonge la durée de conservation des doses de semence par rapport aux sachets conventionnels. Cela me permet de livrer des doses une fois par semaine. Cette démarche me permet d’optimiser ma logistique et de répondre aux démarches RSE.

Grâce à cela, j'organise le processus en fonction du calendrier de collecte des verrats, et non pas en fonction du calendrier d'envoi des doses de semence. Cela m'a permis de réduire à 3 % les doses de semence gaspillées et, comme je respecte un calendrier strict de collecte des verrats, nous réduisons le nombre de d’anomalies qui apparaissent en raison de collectes fréquentes ou de l'abstinence.

Quels avantages vos clients ont-ils constatés ?

Mes clients réduisent le coût du transport car la livraison n'a lieu qu'une fois par semaine. En outre, ils peuvent facilement planifier l'ensemble de la semaine de production en fonction des doses de semence qu'ils ont reçues. Nous avons des clients qui utilisent des doses pendant deux semaines et les résultats ne sont pas différents de ceux qui reçoivent des doses une fois par semaine. Nous partageons également les résultats entre les éleveurs connectés sur un groupe WhatsApp.

Quelle est la plus grande distance à laquelle vous envoyez des doses de semence ?

95% des clients se trouvent dans un rayon de 300 km autour de La Colinière. Nous livrons les doses dans un véhicule spécial à température contrôlée à 17C. Elles sont ensuite déposées chez le client a 50 % en armoire climatisée 17C et 50 % dans des boîtes isothermes. Si la température est supérieure à 24°C, j’appelle les clients qui sont en boite isotherme 30 minutes avant la livraison pour m’assurer que le client est disponible pour les mettre directement dans l'armoire climatisée afin de garantir la chaine du froid de 17C pour assurer la qualité de la semence. Il est important de comprendre que mes clients sont mes partenaires ; nous nous faisons entièrement confiance. Nous avons même un groupe de messagerie avec des clients qui partagent leurs résultats, et certains ont jusqu’à 100 % de cochettes gestantes et des truies entre 90 et 96 %. 

Si nous parlons de l'expédition la plus lointaine, il s'agit de la Chine. Nous préparons les doses le lundi, le client les reçoit le jeudi et les utilise pendant une semaine. Les résultats sont similaires à ceux obtenus en France ; ce client obtient un taux de réussite à l’échographie de 90 %.

Si quelqu'un d'un autre pays est intéressé par nos verrats ou notre semence, je serai heureux de les fournir et d'allonger la liste de mes partenaires.

Vous êtes un éleveur de verrats ouvert à tous les acteurs du monde. Pourquoi aimez-vous partager votre expérience ?

Lorsque vous êtes ouvert aux gens, ils font davantage confiance à votre entreprise. Cela me motive également à m’améliorer constamment. Chaque fois que je rencontre de nouvelles personnes, nous échangeons des idées. J'apprends également et j'apporte des améliorations à ma propre production. Par exemple, j'ai adapté un processus pour les jeunes verrats que j'ai observé lors d'une visite de site chez Evolution, où j'ai vu comment ils préparent les jeunes taureaux. Après cette visite, j'ai eu une idée : isoler les jeunes verrats et leur donner une alimentation spéciale après 28 jours. Ils reçoivent cette alimentation spéciale jusqu'à la fin de la période de quarantaine, lorsqu'ils rejoignent le troupeau principal. Par ailleurs, grâce à la visite d'un spécialiste japonais, j'ai supprimé le soja de l'alimentation des verrats, car j'ai découvert qu'il avait un effet néfaste sur la spermatogenèse (augmentation du taux d'œstrogènes).

Quel est votre prochain objectif ?

La production de verrats coûte de plus en plus cher chaque année (plus de tests sanguins, évaluation génomique, recherche de pathologies etc.). Le verrat commence à être rentabilisé à partir de 2000-doses vendues /an. À cet égard, plusieurs options s'offrent à nous afin de réduire le coût de production : 

- augmenter le coût des doses de semence pour les clients 

- obtenir plus de doses à partir d'un éjaculat  

- plus de collectes à partir de chaque verrat 

En ce qui me concerne, réduire la concentration par dose tout en obtenant les mêmes résultats est l'un de mes objectifs pour les années à venir.

Enfin, quel est le secret de la réussite de La Colinière ?

Délivrer un produit de qualité à mes clients est ma priorité. Mes clients sont mes partenaires et sont mes meilleurs prescripteurs. Les clients recherchent la réactivité, qui est un pilier de mon entreprise. Mon équipe en est un autre. Nous améliorons le processus de production de semence de façon collective.

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